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L'acidité ou pH, réserve alcaline et pouvoir tampon de l'eau d'un aquarium : Manuel aquariophilie expert et aquariologie

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Le pH : acidité, neutralité, ou les pH, réserve alcaline et pouvoir tampon


L'examen physique (couleur + odeur + saveur) d'une eau lors d'une analyse hydrobiologique s'accompagne toujours d'une mesure de ce que l'on appelle le potentiel hydrogène (ou pH). Cette mesure fournit, avec d'autres données, une première indication sur les qualités physico-chimiques mais aussi biologiques d'une eau.

Important : Ainsi une eau douce continentale doit être, et de préférence rester, cristalline, sans couleur, sans odeur, sans saveur et si possible, proche de la neutralité.

Courbe et échelle du pH en fonction de NaOH :
Courbe pH
La courbe pH est de type logarithmique : elle varie très vite autour du point central, le neutre avec pH = 7,0.

La mesure du pH

Le pH se mesure par méthode électrique précise ou méthode colorimétrique, avec surtout un test pH. Très schématiquement, il traduit le nombre d'ions Hydrogène (H+) présents dans le milieu et l'on dit qu'un pH est neutre lorsque ce nombre est égal à celui des ions hydroxydes (OH-) et égal à 0,000001 mg/l, ce que l'on écrit plus facilement par pH 7. Une eau acide contient davantage d'ions hydrogène avec un maximum pouvant théoriquement atteindre 1 g/I ce que l'on écrit par pH 0. Inversement le minimum d'ions hydrogène est atteint par un pH 14. Par définition mathématique simplifiée, le pH est le résultat d'un logarithme, changé de signe, de la concentration, exprimée en grammes par litre, en ions H+ du milieu.

Disons tout de suite que ces valeurs extrêmes (0 et 14) ne peuvent être approchées que dans des solutions chimiques d'acides forts ou de bases fortes et que la plupart des réactions biologiques de la vie se déroulent à un pH voisin de la neutralité.

Il faut également se souvenir que chaque fois que l'on change d'une unité de pH l'acidité augmente (ou diminue) de 10 fois par rapport à la valeur précédente. Ainsi une eau à pH 6 est 10 fois plus acide qu'une eau à pH 7, et une eau à pH 9 est 10 × 10 = 100 fois plus basique qu'une eau à pH 7 !

De nombreux facteurs physiques (éclairement, température), chimiques (gaz carbonique, oxygène dissous) et biologiques (végétation, peuplement) ont une influence sur le pH et inversement.

Le pH peut donc être considéré comme un bon indicateur d'un certain équilibre chimique et biologique d'une eau en général et d'un aquarium en particulier. C'est à ce titre que sa mesure offre un intérêt en aquariophilie.

Il ne faut cependant, en aucun cas, considérer le pH comme une panacée, mais bien comme un indicateur qui affirme "vous êtes sur le bon chemin" ou "vous êtes sur la mauvaise pente". Globalement, il faut faire 2 tests journaliers en suivant ce protocole pour tester le pH d'un aquarium.

Les pH en aquarium d'eau douce continentale

Le pH de l'eau de mer, connu et stabilisé par les sels présents dans l'eau, ne demande que peu de contrôle. À titre d'exemple nous pouvons citer le cas des eaux particulièrement douces et fortement acides de certains affluents de l'Amazone. Un pH de 4,5 à 5 est ici tout à fait normal. Ce pH, très bas, est dû à des acides humiques faibles, et comme nous sommes dans un milieu dépourvu d'éléments tampons (calcaire en particulier), le moindre acide est fortement dissocié et le pH baisse de façon importante et naturelle sans effet sur les poissons. Il s'agit là d'un facteur écologique comme un autre et auquel ils sont habitués.

Dans un aquarium par contre, surtout avec une eau moyennement dure à dure, il est beaucoup plus anormal d'avoir un pH aussi bas et des acides forts sont alors, le plus souvent, à l'origine de la baisse constatée. Aussi il n'est pas rare de voir les poissons protester en refusant de manger et en s'agitant de façon inhabituelle.

Les relevés du pH doivent toujours être faits aux mêmes heures d'un jour l'autre pour être significatifs. Sans pH-mètre enregistreur une courbe nycthémérale doit être établie en effectuant un relevé peu avant l'allumage des rampes d'éclairage puis juste avant leur extinction : ces deux mesures, juste avant et juste après l'éclairement d'un aquarium, sont prioritaires à tout autre moment de la journée pour mesurer le pH.

Les interactions biologiques avec le pH de l'eau

Aussi sachant que la plupart des phénomènes biologiques se déroulent normalement entre pH 6 et pH 8, toute variation anormale, par rapport à une valeur moyenne donnée, plus ou moins caractéristique de l'équilibre recherché de l'aquarium, signifie une modification de la stabilité de celui-ci et doit inciter à une révision de l'installation, une modification du peuplement ou une analyse plus approfondie du milieu.

Disons tout de suite que, le plus souvent, ces problèmes peuvent être évités par des renouvellements périodiques ou de préférence lents et réguliers de l'eau, un peuplement raisonnable et une distribution de nourriture pas trop abondante.

Si nous insistons quelque peu sur ces données qui peuvent paraître complexes (et elles le sont réellement), c'est pour inciter les aquariophiles intéressés à ne pas enfreindre excessivement certaines lois physiques et biologiques qui régissent les rapports des êtres vivants avec leur environnement.

Ainsi il ne faut pas oublier qu'une source très importante d'acidité dans un aquarium est directement liée au gaz carbonique rejeté par les poissons. Nous en avons déjà parlé à propos de l'oxygène dissous et des phénomènes respiratoires. Le gaz carbonique rejeté se dissout, bien entendu, dans l'eau comme bien d'autres substances. Il s'y dissout même plus facilement que l'oxygène ! Il est, de plus, toxique pour les poissons ! Il existe heureusement plusieurs façons de l'éliminer.

Les pH et le CO2 : entremêlés !

Une partie s'élimine automatiquement en se combinant à l'eau pour donner de l'acide carbonique. Cet acide carbonique va se dissocier partiellement et libérer des ions hydrogène et par conséquent faire baisser le pH. Une partie importante de cet acide va réagir sur le calcaire présent dans le milieu pour former du bicarbonate de Calcium soluble. Et nous retrouvons ici la dureté temporaire (KH), liée aux carbonates, qui va jouer le rôle de tampon en empêchant qu'une trop grande quantité d'acide carbonique se forme à partir du gaz carbonique éliminé par les poissons et fasse baisser le pH.

Le gaz carbonique est en quelque sorte partiellement piégé par le carbonate de calcium (calcaire) sous forme de bicarbonate de calcium soluble.

Dans la nature, des phénomènes identiques expliquent la dureté de l'eau. Celle qui s'évapore au-dessus de la mer est de l'eau "distillée" en quelque sorte et totalement déminéralisée.

Lorsqu'il pleut, les gouttes d'eau, en traversant l'atmosphère, se chargent partiellement en gaz carbonique. En s'infiltrant à travers les couches superficielles, l'eau rencontre également le CO2 éliminé par les micro-organismes qui s'y développent. Si elle arrive ensuite au contact de roches calcaires, l'acide carbonique ainsi formé va attaquer le calcaire et du bicarbonate de calcium soluble va se retrouver en solution dans l'eau.

Si, dans certaines conditions de pression et d'environnement favorables régnant dans les couches profondes du sol, du gaz carbonique se trouve en excès par rapport à celui de la pression atmosphérique, une importante quantité de bicarbonate peut se trouver en solution. Aussi lorsqu'une telle eau jaillit à la surface elle perdra brutalement une partie de son gaz carbonique, et du carbonate de calcium (calcaire) va de nouveau précipiter (source pétrifiante).

Il s'agit là d'un phénomène voisin de celui qui se déroule lorsque l'on fait bouillir de l'eau ou, dans un aquarium, à proximité de la résistance chauffante. Chauffer de l'eau revient à éliminer le gaz carbonique dissous lié au bicarbonate de calcium. Le calcaire (ou carbonate de calcium) précipite. En l'absence de calcaire, le pH varie facilement.

Enfin, un phénomène comparable se déroule parfois dans certains aquariums riches en plantes et fortement éclairés par le soleil (ou l'éclairage artificiel) : les végétaux risquent alors de prélever tout le CO2 dissous puis celui lié au bicarbonate de calcium, entraînant la précipitation du calcaire et une élévation du PH.

Une élévation excessive du pH favorise également l'élimination du CO2 dissous; au-dessus de pH 8,5 il n'y a plus de CO2 libre dans l'eau ! Nous retrouvons là une valeur supérieure du pH qu'il vaut mieux ne pas dépasser.

Or dans un aquarium neuf, surtout en eaux continentales, le pH monte facilement, et cela est normal, à des valeurs proches de 8,5, les dépassant même parfois. Il ne faut pas s'en inquiéter outre mesure, les eaux neuves du robinet ayant tendance à être saturées en bicarbonate. Pour pallier à ce problème lié à la qualité de l'eau du robinet, on utilisera préférentiellement de l'eau osmosée.

L'enchaînement de tous ces processus fait que l'amateur risque de se trouver devant des complications inattendues propres à le décourager. Confronté à des problèmes aigus liés en fait à la mise en service d'un nouvel aquarium et, pensant avoir accumulé les erreurs, il efface tout (vidange, nettoyage, désinfection complète de l'aquarium, du sable, etc.) et recommence... pour retrouver les mêmes problèmes, quelques semaines plus tard. Complètement désappointé, il risque de tout abandonner alors qu'un peu de patience et de méthode lui auraient permis de franchir le cap un peu difficile de la mise en service !

Comme nous venons de le voir, l'excès de CO2 peut être en partie éliminé par la formation d'acide carbonique, lui-même neutralisé.

Ces phénomènes montrent l'étroite relation entre le KH (TAC), le pH et le CO2 à tel point qu'en eau douce et en l'absence de filtration sur tourbe, on peut déduire, à partir de la mesure précise de 2 paramètres, la valeur du 3ème, (c'est le cas notamment du CO2 dont la mesure directe n'est pas facile à réaliser).

La limite supérieure, généralement admise, est de 60 mg/l de CO2. Pour un KH donné, on peut donc fixer la limite inférieure du pH à ne pas transgresser.

On notera que brassage et aération ont par conséquent un double rôle : réoxygéner l'eau et éliminer le CO2 en excès. Ils contribuent par la même occasion au maintien d'un bon équilibre et du pH.

Explications sur les méthodes de mesure du pH

Méthodes colorimétriques : nous ne citerons les indicateurs papier que pour mémoire. Leur utilisation est sans valeur en aquariophilie, le milieu étant trop dilué et insuffisamment tamponné.

Méthode électrométrique : cette méthode, rigoureuse et très pratique, a l'inconvénient d'être onéreuse. L'achat d'un pH-mètre (dont certains modèles adaptés pour l'aquariophilie devraient être d'un prix abordable) se justifie cependant au niveau d'un laboratoire, d'un commerçant ou d'une association/club. Le pH devant être mesuré de préférence "in situ", pour éviter de modifier les équilibres ioniques, l'appareil devra être portatif. À défaut, l'eau devra être prélevée dans un flacon de verre ou de plastique bien propre, bien rempli et bien bouché, le transport du lieu de prélèvement jusqu'au lieu de mesure devant être le plus court possible.

En eau de mer, l'utilisation d'une électrode spéciale, qui tient compte des erreurs produites par l'ion Sodium, est recommandée.

Il ne faut pas oublier non plus de tester régulièrement la fiabilité du pH-mètre et de l'étalonner le cas échéant en mesurant le pH d'une solution acide ou basique de valeur bien connue et que l'on trouve chez les revendeurs de produits pour laboratoires.

Corriger le pH d'un aquarium ? Baisse, augmentation

Il existe des méthodes chimiques, artificielles, pour corriger le pH. Nous ne les citerons que pour mémoire, leur usage étant déconseillé sauf cas particuliers (intoxication à l'ammoniac par exemple).

Pour élever le pH d'une eau dure on peut utiliser le bicarbonate de sodium.

Pour diminuer le pH d'une eau dure on peut utiliser le phosphate acide de sodium.

Il vaut mieux prévenir que guérir et soigner la cause plutôt que les effets. Un aquarium bien tenu doit avoir un pH proche de la neutralité ou légèrement acide s'il s'agit d'eau douce, légèrement alcalin s'il s'agit d'eau dure (à cause du pouvoir tampon dû au calcaire et dont nous avons parlé plus haut). Une eau de mer doit avoir un pH sensiblement plus élevé (aux alentours de 8) en raison d'une "réserve alcaline" particulièrement élevée due à l'abondance des sels dissous.

Aussi une eau douce ayant un pH alcalin (sensiblement > 7) ou une eau dure à pH 7 acide (sensiblement < 7) sont suspectes.

Pour diminuer le pH d'une eau douce (acidité favorable à la ponte de certaines espèces), il est conseillé de filtrer sur tourbe. Mais il est parfaitement inutile de filtrer sur tourbe une eau dure pour l'acidifier. D'abord, le procédé sera inefficace en raison du faible pourcentage acidifiant de la tourbe et du pouvoir tampon élevé des eaux dures. Ensuite parce qu'il n'est pas normal et antibiologique d'avoir une eau dure acide.

L'intérêt essentiel de la tourbe pour la chimie de l'eau est qu'elle donne à une eau douce un certain pouvoir tampon acide. Autrement dit, elle acidifie une eau douce et garantit une certaine stabilité à cette acidité. Cette propriété peut d'ailleurs être utilisée pour tester la qualité d'une tourbe. Pour cela, on filtre pendant 24 heures, sur un échantillon de 100 à 200 cm3 de tourbe, un ou deux litres d'eau très douce ou déminéralisée dont on a préalablement mesuré le pH. Ce dernier est à nouveau mesuré à la fin de l'expérience. L'eau est ensuite laissée au repos pendant 24–48 heures. Une troisième mesure du pH est alors effectuée, si la tourbe est de qualité et possède un certain pouvoir tampon acide, la valeur indiquée par la troisième mesure devra être identique à la seconde, les deux valeurs étant, bien entendu, acides.

Remarques sur le pH

Rappelons ici que lors de la mesure du pH, c'est la concentration en ions H+ que l'on évalue. Or ces ions H+ proviennent de la dissociation d'un acide plus ou moins fort. Il serait par conséquent intéressant de connaître l'anion correspondant. L'anion Cl- (chlore) dissocié en même temps que H+ à partir d'acide chlorhydrique (HCl) n'a pas la même importance sur la physiologie des organismes présents dans l'aquarium que l'anion NO2 (acide nitrique HNO3) qu'un acide organique faible.

Ainsi, pour un même pH, pH 4 pour prendre un cas extrême, il n'y a pas danger s'il s'agit d'un acide humique par exemple, alors que cela n'est pas du tout le cas s'il est question d'un acide minéral comme l'acide chlorhydrique entre autre.