L'eau et ses qualités physico-chimiques : Manuel aquariophilie expert et aquariologie
Minéralisation et dureté des eaux continentales
La dureté des eaux douces (continentales) signale en partie la minéralisation de l'eau d'un aquarium, au travers des mesures GH (dureté totale) et KH (dureté temporaire ou pouvoir tampon), la mesure de ces valeurs sont parfois primordiales pour les êtres vivants de l'aquarium, en particulier pour certaines espèces sensibles.
À savoir : l'expression "eau continentale" par opposition à "eau de mer" est préférée pour éviter toute confusion entre "eau douce" et "eau dure" du point de vue minéralisation totale des eaux habituellement qualifiées de "douces". Cette distinction sera utilisée dans tout le guide aquariologique pour les aquariophiles experts.
Une rivière tropicale transporte des eaux douces continentales :
Une eau continentale peut varier en couleur, mais surtout dans sa composition chimique.
Que sont les eaux continentales ?
Les eaux continentales s'opposent aux eaux marines par leur faible taux de minéralisation :
- 35 g de sels divers, par litre, en moyenne, pour l'eau de mer.
- Entre 0 et 0,5 g de sels divers, par litre, pour les eaux continentales.
Les eaux saumâtres, à minéralisation intermédiaire mais très variable, sont réservées à une faune particulière.
Si les eaux de mer sont relativement homogènes du point de vue composition, il n'en est pas de même pour les eaux continentales. Celles-ci présentent une variabilité extrême dont il faudra tenir compte lors du peuplement de l'aquarium. La minéralisation et la composition physico-chimique de l'eau comptent, avec la température, parmi les facteurs écologiques de premier ordre qui influent sur le peuplement d'un plan d'eau. Il faut y ajouter l'éclairage qui a un rôle primordial pour les plantes.
Les eaux continentales ayant toutes pour origine directe ou indirecte l'eau de pluie totalement déminéralisée, il est bien évident que selon la nature des terrains qu'elles auront traversé jusqu'à leur source ou sur lesquels elles auront ruisselé, elles pourront avoir une composition très différente d'un endroit à un autre.
Conséquence directe : les eaux de source ou du réseau de distribution, utilisées pour le remplissage des aquariums auront parfois des compositions très éloignées de celle du biotope d'origine des pensionnaires qui les occuperont. Aussi malgré un pouvoir d'adaptation relativement élevé de la plupart des espèces communes, il faut être conscient d'un certain handicap possible, dès le départ, à la survie dans de bonnes conditions de tel ou tel poisson d'ornement.
Pour illustrer l'importance qu'il faut parfois accorder à la minéralisation de l'eau, nous pouvons prendre comme exemple les tests de toxicité utilisant des poissons et mis au point sous l'égide de la Société Française de Normalisation (A.F.N.O.R). Afin que les résultats soient comparables d'un lieu à un autre, il faut que l'eau servant aux tests ait les mêmes caractéristiques. C'est la raison pour laquelle une eau "douce" reconstituée est utilisée pour ces tests !
On peut également proposer la biologie du saumon comme autre exemple curieux de variabilité de la qualité des eaux continentales. Comment fait-il pour repérer la rivière de sa naissance ? Eh bien il fait appel à l'analyse physico-chimique ! De même qu'un oenologue sait reconnaître un grand cru de vin, le saumon sait reconnaître "au goût" l'eau qui l'a vu naître !
Il est donc important de connaître la minéralisation de l'eau utilisée pour le remplissage et le renouvellement de l'eau de nos aquariums.
Mesurer les duretés de l'eau
Il existe des méthodes relativement simples pour mesurer ce que l'on appelle les duretés. Il est en outre facile, dans chaque ville, d'obtenir les caractéristiques physico-chimiques de l'eau de conduite en s'adressant au Service des Eaux de l'agglomération (ou à la Mairie). Dans le cas d'une eau de source (tout en appréciant que les eaux de source potables sont peu nombreuses), les kits de tests aquariophiles conviennent pour apprécier leurs qualités.
Des équipements simples sont cependant en vente dans le commerce aquariophile.
Ainsi, il sera plus facile de comparer la dureté d'une eau à celle d'autres localités ou à celle exprimée dans les différents ouvrages, en particulier aquariophiles, à propos du biotope de tel ou tel poisson.
D'une façon générale d'ailleurs, tout résultat d'analyse physico-chimique devrait être accompagné d'indications sur la méthode utilisée afin que les résultats soient comparables. Il faut savoir aussi que par ébullition une partie du Calcium précipite et se dépose. C'est ce qui se passe dans la casserole de la ménagère lorsqu'elle utilise toujours le même récipient pour faire bouillir de l'eau : le "tartre" se dépose. C'est aussi ce qui se passe dans un aquarium à proximité de la résistance chauffante. Sous l'effet de la chaleur une partie du calcium présent dans l'eau se dépose.
Si l'on mesure à nouveau la dureté de l'eau après ébullition on s'aperçoit qu'elle baisse de façon plus ou moins importante selon le cas. Ces constatations permettent de définir trois types de duretés :
- Dureté temporaire (disparaît à l'ébullition)
- Dureté permanente (subsiste après l'ébullition),
- Dureté totale (dureté temporaire + dureté permanente).
Ces notions, faciles à cerner, jouent en fait un rôle non négligeable dans l'équilibre du milieu dans lequel vivent les poissons et les plantes aquatiques. La dureté temporaire, en particulier, intervient, comme nous le verrons ultérieurement, comme une sorte d'amortisseur en empêchant certaines réactions chimiques de s'effectuer trop brutalement.
Conséquences pratiques : quelles eaux choisir ?
Une fois connue la dureté totale de l'eau dont on dispose, il est possible de lui donner les qualificatifs suivants (chiffres exprimés en degrés français, à diviser par 1,78 pour obtenir le GH allemand) :
- Très douce : entre 0 et 5 °
- Douce : entre 6 et 10 °
- Moyennement dure : entre 11 et 15 °
- Dure : entre 16 et 30 °
- Très dure : au-dessus de 30 °
Il est conseillé de choisir le peuplement de l'aquarium en conséquence.
En principe, au-dessus de 30 ° de dureté, une eau est déclarée impropre à la consommation sauf si elle propose certaines propriétés des eaux dites minérales. C'est le cas de la plupart des eaux vendues en bouteilles pour la consommation humaine. Les eaux de Volvic (aux alentours de 5 ° de dureté) sont, en revanche, douces à très douces et conviennent par conséquent parfaitement pour adoucir, par mélange, une eau de conduite ou de source trop dure. Il existe d'autres méthodes pour adoucir l'eau dont on dispose.
La première est de recueillir l'eau de pluie dans une citerne en plastique (pas de métal) sous réserve toutefois d'habiter une région non sujette à la pollution atmosphérique, sinon il vaut mieux s'abstenir (et avec les années passant, il devient rare de ne pas obtenir une eau polluée, sauf en montagne).
La seconde est d'utiliser l'eau osmosée ou déminéralisée (issue d'un déminéralisateur à résines échangeuses d'ions).
Attention : il ne faut jamais utiliser les "adoucisseurs" ménagers, régénérables au sel de cuisine qui se contentent de remplacer le calcium par du sodium et finiraient par transformer l'eau de l'aquarium en saumure !
Une eau très douce, osmosée ou déminéralisée, ne doit jamais être stockée ou véhiculée dans des récipients ou des canalisations en métal ou en caoutchouc. Il faut toujours utiliser pour cela du plastique. En effet, chimiquement pure, l'eau est avide de tout ce qui peut être mis en solution, y compris des sels métalliques toxiques.
La plupart des espèces des eaux continentales, poissons ou plantes, requièrent ou s'adaptent à une eau douce à moyennement dure. Certains exigent une eau très douce, en particulier pour se reproduire, d'autres (les vivipares notamment) se plaisent dans des eaux dures à très dures. Enfin il existe souvent des différences importantes, pour une même dureté, entre les eaux européennes qui ont généralement une dureté calcique (liée au calcaire) et africaines dont la dureté est le plus souvent magnésienne (liée au magnésium).
Avant de planter et de peupler, il est par conséquent utile de se renseigner sur les exigences ou la tolérance des espèces à l'égard de l'eau dont on dispose. Si elle est trop dure, l'adoucir par une des méthodes signalées plus haut. Si elle est trop douce, il suffit de placer une roche calcaire comme décor dans l'aquarium. Elle pourra contribuer à augmenter la dureté. Certains aquariophiles ajoutent également parfois 1 à 2 % (maximum pour ne pas nuire aux plantes) d'eau de mer.
Ne pas utiliser d'eau bouillie : artificiellement adoucie par élimination de la dureté temporaire (dite carbonatée) elle a perdu une grande partie de ses propriétés utiles à l'équilibre de l'aquarium.
À propos de la minéralisation, signalons également que la dureté totale est exprimée en unités différentes selon les pays. Ainsi par exemple :
- Le degré français correspond à 10 mg/l de carbonate de calcium, (soit 4 mg de calcium).
- Le degré allemand à 10 mg/l de chaux vive.
- Le degré anglais à 1 grain de carbonate de calcium par gallon.
Résistivité et Conductivité
La Conductivité électrique d'une eau est définie comme la conductance d'une colonne d'eau comprise entre deux électrodes métalliques de 1 cm2 de surface, séparées l'une de l'autre de 1 cm.
La mesure de la Résistivité d'une eau, ou de son inverse la Conductivité, renseigne sur la minéralisation globale de cette eau. Cette mesure s'effectue à l'aide d'un conductimètre : le courant débité dans le circuit d'électrodes étant proportionnel à la Conductance, elle-même fonction de la température. La mesure étant liée et fonction de la température, l'appareil doit être équipé d'un dispositif manuel ou automatique de compensation de la température.
La résistivité s'exprime en Ohms/centimètres (?/cm) et la Conductivité en Siemens/mètres (S/m) ou micro-Siemens/centimètres (µS/cm).
Il ne saurait être question toutefois de déduire de ces mesures des chiffres précis sur la teneur en divers sels minéraux et encore moins d'établir une correspondance entre la conductivité et la dureté. En outre, ces mesures sont sans objet en eau de mer en raison d'une minéralisation trop élevée !
La mesure de la conductivité peut cependant, dans certains cas, donner une approximation de la dureté dans la mesure où l'on considère qu'un degré T.H. produit une conductivité de 15 µS/cm à 20 °C. Une conductivité sensiblement plus élevée, proportionnellement, signale la présence de sels minéraux autres que Calcium et Magnésium.
salinité (valeur moyenne conseillée 1025)
Elle indique, en grammes par litre, la quantité de sels contenus dans un litre d'eau, une mesure exprimée, par convention, en grammes par litre de Chlorure de Sodium (S‰).
Un salinomètre comportant un dispositif de compensation automatique ou manuelle de température est généralement utilisé pour ces mesures. Contrairement au Conductimètre, cet appareil est d'un emploi très intéressant en eau de mer. Il permet en effet d'avoir instantanément des indications sur la quantité de sels dissous, ce qui donne le moyen, le cas échéant, d'ajuster cette salinité à la faune des régions géographiques représentées dans l'aquarium.
L'eau de mer contient en moyenne 35 gr/l de sels divers ce que l'on exprime par S = 40‰ (36–38‰ en Méditerranée, 40 ‰ en Mer Rouge, et autres mers plus ou moins fermées).
Le poids spécifique d'une eau étant fonction de la salinité, les aquariophiles utilisent couramment un densimètre pour contrôler leur eau de mer, la densité moyenne de celle-ci se situant aux alentours de 1025.
Signalons toutefois que les espèces d'eau de mer couramment élevées par les aquariophiles supportent sans dommage d'importantes variations de salinité ou de densité (1018 à 1040) sous réserve que celles-ci s'effectuent lentement. Des variations brutales de salinité sont parfois utilisées dans le traitement contre certains ectoparasites dont les tissus résistent moins bien que le poisson à des changements de tension osmotique.
Remarque : Conductimètre et salinomètre sont souvent couplés en un seul et même appareil, un simple commutateur permettant de passer de l'un à l'autre. Dans tous les cas ne pas oublier de tenir compte de la température dans l'expression des résultats.