Melibe viridis, étrange Limace de Mer du détroit de Lembeh
Melibe viridis, une limace de mer assez curieuse du détroit de Lembeh:La limace de mer Melibe viridis a été découverte dans le détroit de Lembeh. C'est dans le cadre de la préparation du prochain festival d'images Nancy tropical, organisé tous les deux ans depuis 1996 par le Cercle aquariophile de Nancy (CAN), sous l'égide du Muséum-aquarium de Nancy (MAN) et qui se tiendra, en présence, comme d'habitude, d'Albert Falco, au Palais des Congrès de Nancy, en octobre 2010, qu'une nouvelle fois j'ai été amené à me poser des questions sur l'identité d'une "étrange créature", filmée en 2008 dans le Détroit de Lembeh par Alexis Demenkoff, plongeur et cinéaste amateur de Mandelieu.
La limace de mer Melibe viridis posée au sol dans les eaux du parc Bunaken dans le détroit de Lembeh.
Un film, entièrement consacré cette fois à l'étrange faune de cet insolite détroit, est en préparation, l'intéressé ayant prévu de retourner sur place, en septembre 2009, pour y recueillir de nouvelles images. Tournées en HD, elles seront mises en forme, comme d'habitude, par Jean-Pierre Stella, l'identification des espèces et une proposition de commentaire me revenant comme d'habitude également.
Situés dans la pointe Nord-Est de l'île indonésienne de Sulawesi, calés entre la mer des Moluques et la mer des Célèbes, le parc national Marin de Bunaken et le Détroit de Lembeh abritent une biodiversité exceptionnelle. A ce titre, ces endroits pourraient être classés au patrimoine mondial de l'humanité.
Les photographes et les cinéastes du monde entier se pressent ici pour réaliser des images souvent inédites et réellement incroyables, les pécheurs locaux étant loin de s'imaginer la biodiversité qui se cache à quelques mètres sous la surface de l'eau.
Melibe viridis en train de nager :Une limace Melibe viridis en mouvement dans la colonne d'eau.
Le Parc de Bunaken, est un véritable paradis pour les plongeurs de tous types. Plus de 150 sites de plongée, aux conditions idéales, sont répertoriés dans cette région.
D'après les liens cités, "l'eau cristalline permet de découvrir les fonds marins jusqu'à une profondeur de 35–40 mètres et la température de l'eau y est très agréable (27–29 °C). Le paysage sous-marin se compose essentiellement de larges étendues de sable noir et des récifs coralliens appréciés pour leurs tombants vertigineux. 7 des 8 espèces de coquillages géants existant au monde sont présentes à Bunaken.
Le Parc possède quelque 70 genres de coraux. Le nombre d'espèces de poissons y dépasse vraisemblablement les 2 500, soit près de 70 % de toutes les espèces de poissons connues dans l'ouest de l'océan Pacifique".
Dans le détroit de Lembeh par contre, les fonds sont caractérisés par d'immenses étendues de sable noir. L'activité volcanique de la région a en effet fortement marqué les paysages et l'évolution de la faune et de la flore sous-marine du détroit.
F. Poiraud-Lambert le décrit ainsi : le détroit de Lembeh est situé sur l'île Sulawesi, en Indonésie, à 40 km de Manado. Long de quelques dizaines de kilomètres, ce détroit est un point de passage abrité pour de nombreux bateaux. Soumis aux marées mais pas aux eaux vives du grand large, un écosystème très particulier s'est installé à cet endroit : il y a très peu de récifs coralliens, et les fonds sont caractérisés par d'immenses étendues de sables noir.
De fait, les animaux qui vivent ici ont dû développer des techniques de survie et de chasse très spéciales : il n'y a pas ou peu de cachettes (pas de roche, pas de relief), et donc tout ce qui nage est immédiatement détecté de loin (enfin, selon la visibilité, qui est ici structurellement assez faible - 4 à 8 mètres en moyenne - en raison du sable - particulièrement fin ! - en suspension dans l'eau). Les animaux, y compris les poissons, ont donc privilégié la marche plutôt que la nage, et ont développé une infinité de techniques de dissimulation et de camouflage.
Dans le détroit de Lembeh, la menace vient du sol... là où tous les prédateurs sont embusqués !
Comme celui déjà présenté en 2008 et intitulé "Un autre Monde", le prochain film programmé et dont le titre n'est pas encore définitif, devrait donc être visionné en avant-première à Nancy en 2010. Extraite du film en préparation, la photo peut faire penser, à première vue, à une sorte de poisson-grenouille (Antennariidé), extra plat dont on devinerait les "pattes"... en surnombre, à un crustacé inconnu, à une algue, peut-être même à un artefact !
Il n'en est rien : via le Forum Aquaportail, Christelle Theate propose Melibe viridis, et Jean-Pierre Vasseur (communication personnelle) confirme. Il s'agit bien là d'une Limace de Mer, qui peut atteindre 30 cm, et dont il a lui-même observé des juvéniles lors d'arrivages en provenance du Sud-Est asiatique. Il confirme en outre tout l'intérêt du Sea slung forum en ce qui concerne le Genre Melibe, site que le lecteur intéressé pourra consulter.
On y apprend notamment la vaste répartition du Genre. Ce dernier est connu depuis 1852 au moins et signifie "comme du miel" terminologie liée, d'après Peter V. Fanborner (lien Encyclopédie canadienne), à l'odeur que ces animaux laissent sur les substrats après leur passage, genre également présent en Méditerranée... en provenance de Mer Rouge, via le canal de Suez !
Les Nudibranches (mollusques, gastéropodes, Opistobranches), auxquels appartient notre étrange animal, qualifié de "monstrueux en taille et en forme" par des plongeurs ayant fréquenté le site, constituent un groupe d'une extrême variété de formes et de couleurs; ils conjuguent souvent mimétisme et homochromie dans un but protecteur. Leur respiration est assurée par des branchies en forme de papilles externes, généralement situées dans la partie postérieure du corps.
hermaphrodites à fécondation croisée, les pontes, souvent spiralées, ont généralement l'aspect de "roses marines" de différentes couleurs, oscillant au rythme des courants et des vagues. D'une prolificité extrême, les quantités d'oeufs constituant ces rubans gélatineux peuvent dépasser facilement les 100.000 ! L'éclosion a lieu au bout de 6 à 8 jours (voir ponte de Melibe viridis, Message 6, lien Internet sea slug forum).
L'alimentation des Nudibranches est très variée d'une espèce à l'autre et généralement très spécifique, épousant souvent la forme et la couleur de leur garde-manger.
Certaines espèces, du genre Phyllidia en particulier, émettent des liquides à odeur forte et extrêmement désagréable leur assurant une protection efficace à l'égard des prédateurs éventuels.
D'autres espèces recyclent les pigments des spongiaires dont ils se nourrissent et sur lesquels ils vivent, sans compter celles qui sont capables de stocker dans leurs organismes des substances toxiques, voire des cnidocystes, qui servent à leur défense. Le déplacement de ces limaces de mer est très spectaculaire et dès plus fascinant; les ondulations du corps constituent un gracieux ballet qui fait qu'elles sont souvent gratifiées du qualificatif de "danseuses des mers".
Mimétisme et homochromie sont donc, ici, poussés à leur paroxysme ! René Catala* 1980 (p.90), décrit ainsi Melibe sp. (sans doute Melibe viridis).
"Les attitudes de cette limace de mer sont, comme on le voit, si cocasses que j'en ai tourné de nombreuse séquences de film. Lorsqu'elle se contorsionne - et c'est toujours avec vigueur et rapidité - son corps s'arque à tel point que la région antérieure rejoint chaque fois l'extrémité postérieure.
Manière de se déplacer d'autant plus spéciale que cet étrange animal nage, en fait, à l'envers, d'où cette attitude de petit Pégase dont les visiteurs s'amusaient beaucoup. En effet, les cirres, d'une épaisseur et d'une longueur exceptionnelles, se trouvent ainsi, pendant, sous le corps, alors qu'au repos ou lorsque l'animal rampe sur les algues, ces appendices sont en position latéro-dorsale.
Autre étrangeté, et ce n'est pas la dernière à signaler, la bouche de ces Mélibés** est située au fond d'une sorte de cloche qui n'est autre qu'une extension considérable du voile frontal. Cette poche, qui s'ouvre et se ferme à volonté, fait office de piège. Je l'ai vue plusieurs fois en ouverture totale s'appliquer, telle une ventouse, sur les algues ou même les parois vitrées du bac. Elle emprisonnait ainsi des micro-organismes incapables, alors, de s'échapper et qu'elle n'avait plus qu'à déglutir.
Jean Risbec, 1953, nous apprend que les Mélibés ne possèdent point de radula et voilà encore quelque chose de bien exceptionnel pour un nudibranche".
Rendez-vous donc, en octobre 2010, au Palais des "congres" de Nancy (débaptisé pour l'occasion "Palais des Mélibes"), où, à défaut de voir en vrai, le vrai Melibe viridis (= Mélibe vrai), tous les auteurs n'étant pas d'accord sur la véritable identité de cette espèce, nous verrons, au moins en images et en haute définition, c'est sûr, le vrai Mélibe de Lembeh !
Le détroit de Lembeh :
Le détroit de Lembeh est situé au Nord de Sulawesi, à l'Est de la mer des Célèbes.Le parc Bunaken :Le parc Bunaken est protégé dans le détroit de Lembeh.
René Catala (1901 - 1988) : fondateur du célèbre Aquarium de Nouméa, auteur, en particulier, de deux ouvrages remarquables (Carnaval sous la Mer en 1964 et Offrandes de la Mer en 1979), correspondant régulier de la Revue française d'aquariologie, herpétologie (voir biographie de R. Catala dans Revue fr. Aquariol., 15 (1988), 3, p 86 - 88), découvreur, avec son épouse Stucki, en 1957, des effet de fluorescence de certains madrépores, fin connaisseur des nautiles...
Debelius et Kuiter (2007), comme la plupart des auteurs, rapportent également les Mélibes à la famille des Thétydidés (Thetydidae), dont les membres sont caractérisés, entre autre, par une tête énorme pourvue d'un voile ou capuchon buccal impressionnant et, comme il a déjà été signalé plus haut, l'absence de radula.
Une danseuse espagnole :
La nage de la danseuse espagnole Hexabranchus sanguineus par Gilbert Fournier. Photo prise par Gilbert Fournier, en Mer Rouge, à Di Zahav, en 1980; illustre la nage, pardon le ballet, d'une des plus belles (et plus haute en couleur) espèce de Nudibranches qui peut atteindre 25, exceptionnellement 35 cm !
Elle semble en propulsion du bas vers le haut et l'on voit bien les ondulations du manteau (elle montre également les systèmes branchiaux sur le dos à l'arrière et l'on devine, à l'avant, un petit bout de l'un des deux rhinophores).