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Labrisomus nuchipinnis, la blennie chevelue: une histoire d'identification

Labrisomus nuchipinnis, la Blennie-labre ou Blennie chevelue:

Les anglo-saxons nomment cette blennie des Caraïbes Hairy Blenny. C'est dans le cadre de la préparation du prochain "Nancy tropical, un Festival d'Images", qui se teindra au Palais des Congrès de Nancy, en octobre 2010, que des questions sont intervenues sur l'identité d'une Blennie. Cette blennie chevelue a été filmée par Albert Falco, célèbre Capitaine de la Calypso (Équipe Cousteau), en Martinique et dont la passion pour la mer n'est plus à démontrer.

Labre mâle Labrisomus nuchipinnis
Mâle coloré de Labrisomus nuchipinnis, la blennie labre à lèvre rouge en Martinique.

Albert Falco, malgré ses 82 ans (en 2009), passe encore le plus clair de son temps sous l'eau, y compris, bien sûr, lorsque, 3 mois par an, il séjourne en Martinique. Infatigable militant pour la création de Parcs et réserves marines, les images qu'il tourne, inlassablement, donnent lieu à des films, désormais en HD, réalisés par Jean-Pierre Stella, l'identification des espèces et une proposition de commentaire me revenant.

Comme celui présenté en 2008 et intitulé "Ma Terre, c'est la Mer", le prochain film programmé "tempête sous la Mer" devrait donc être visionné en avant-première à Nancy en 2010. S'agissant d'une oeuvre de longue haleine, il n'est jamais trop tôt pour s'y atteler.

Extraite du film en préparation, la photo ci-contre peut faire penser, à première vue, en raison de la forme générale du corps, long et cylindrique, de la nageoire dorsale longue et continue, de la présence d'écailles, mais aussi et surtout de lèvres charnue, à un labridé; hypothèse vite balayée si l'on remarque la présence de petits appendices charnus ou cirrhes au-dessus de yeux : c'est bien une Blennie.

Une Blennie qui a des écailles ? C'est bien connu, la plupart des "vraies" Blennies sont réputées dépourvues d'écailles (ou alors elles sont rudimentaires). A défaut d'écailles, c'est un mucus très abondant qui assure la protection des téguments, ce qui leur vaut leur nom commun général de "Baveuses".

Compte tenu de la variabilité légendaire des "Baveuses", en fonction du sexe, de la taille, de l'âge, de la localisation géographique et de l'environnement auquel leur livrée s'adapte presque instantanément, difficile d'être certain de la validité des critères morphologiques, surtout lorsqu'ils sont établis d'après une photo (ci-dessus), qui plus est, extraite d'un film ! Patrick Louisy (1981), dans une remarquable étude, résume la situation par cette phrase : "ce travail montre, une fois encore, que la connaissance de la biologie d'une espèce est nécessaire - ou du moins très souhaitable - pour déterminer la variabilité de ses caractéristiques spécifiques et par conséquent leur validité en tant que critère de distinction".

Comme c'est le cas pour les membres d'autres familles "difficiles" à identifier et sachant que les Blennies les mieux connues sont celles élevées en aquarium, pourquoi ne pas faire appel au forum d'AquaPortail pour affiner l'identification ?

Réponse "par retour du courrier": d'après Jean-Pierre Vasseur (communication personnelle), il s'agit bien d'une Blennie-labre, Labrosomus nuchipinnis que l'intéressé connaît bien.

Une grande majorité des 400 espèces de Blennies vit, en effet, de nos jours, à faible profondeur, dans les mers tropicales et subtropicales (on en rencontre cependant également dans les eaux tempérées voire Arctique, beaucoup plus rarement en eau douce). Le mode de vie de très (trop) nombreuses espèces est en effet, le plus souvent, mal connu... sauf celles élevées en aquarium.

Il s'agit généralement de petites espèces, ne dépassant pas les 8 - 10 cm (la Blennie-loup tachetée ou Anarrhique loup, Anarrhichas minor, peut cependant atteindre les 180 cm !), s'adaptant parfaitement à la vie en aquarium en raison de leur territorialité et recherchées par les aquariophiles pour leur comportement et leur aptitude à se reproduire en captivité.

Les scientifiques utilisent, bien entendu, également l'aquarium pour affiner leurs études et, à titre d'exemple, on peut citer les observations de Heymer (1985) sur la stratégie comportementale et la reproduction chez Blennius basilicus, une espèce méditerranéenne.

Chez les Blennies, l'organe des sens principal est la Vue. Les yeux, aux mouvements curieusement indépendants, leurs donnent un regard très expressif, l'odorat étant bien développé également (contrairement à la sensibilité aux vibrations). Ils sont eux-mêmes très curieux de tout et peu craintifs.

Comme nous l'avons déjà évoqué, la nageoire dorsale et la nageoire anale sont bien développées, la dorsale allant de l'arrière de la tête à la caudale à laquelle elle se soude parfois. Les ventrales, ramenées à hauteur des pectorales, sont (par atrophie) atrophiées, souvent réduites à une sorte de filament et transformées en organe d'appui, parfois absentes.

Nous l'avons déjà signalé également, beaucoup d'espèces portent des tentacules simples ou ramifiés sur la tête, mais aussi devant les narines inférieures et parfois à l'arrière de la tête (nuque), ce qui est le cas ici et a fait que, lors de la description originale, dès 1824 par Quoy et Gaimard, ces auteurs lui ont attribué comme nom d'espèce "nuchipinnis", mot qu'il semble inutile de traduire !

Par contre, le nom de genre a évolué : d'abord rattaché au genre Clinus et à la famille des Clinidés (Blennies à écailles apparentes - sauf sur la tête - par opposition aux Blenniidés, sans écailles, dites baveuses, laquelle famille compte plus de 80 espèces appartenant à 6 genres). S'agissant d'un Clinidé vraiment particulier à allure de labre, l'espèce a été placée dans la famille des Labrisomidés et rattachée au genre Labrisomus.

Labrisomus nuchipinnis appartient au groupe des Blennies carnassières, se nourrissant essentiellement de Vers (Polychètes), de mollusques et de crustacés, par opposition aux Blennies "végétariennes".

poissons de fond, sans vessie natatoire, à larves pélagiques, l'adulte, quand il se déplace, nage un peu à la manière d'un serpent.

La femelle Labrisomus nuchipinnis est plus terne :
Labrisomus nuchipinnis, femelle
Photo d'une femelle Labrisomus nuchipinnis, les couleurs sont moins voyantes.

La Blennie-labre est ovipare, diurne et vit en fait des deux côtés de l'Atlantique tropical, sur les côtes rocheuses et dans les embouchures.

D'après Humann et Deloach (2007), c'est la plus grosse Blennie de la zone Floride, Caraïbes, Bahamas. Elle se caractérise également par la présence, sur le bord supérieur de l'opercule branchial, d'un point sombre, plus ou moins net, souvent ocellé (c'est le cas ici), en particulier chez les juvéniles (jusqu'à 8 cm), la tête étant " écrasée " avec des lèvres épaisses (allure de Labre) et de gros yeux. Un point noir, présent sur la nageoire pectorale disparaît avec l'âge, les bandes verticales étant plus ou moins distinctes.

Réputée occasionnelle, elle peut néanmoins, d'après ces mêmes auteurs, se rencontrer en abondance dans des zones géographiques localisées.

La Blennie-labre n'échappe pas à la règle qui veut que chez les Blennies (mais pas seulement), les mâles, ici habituellement sombres et uniformes avec teintes rougeâtres sur le ventre et les nageoires, ne ressemblent pas du tout aux femelles; chez notre espèce, les flancs de celles-ci sont ornés de bandes plus ou moins distinctes et constellés de points clairs.

Remarque : une espèce très proche, Labrisomus guppyi avec ocelle noir sur l'opercule, est également citée par Humann et Deloach. D'après Randall (1968), elle diffère essentiellement de la précédente par de nombreuses dents palatine plus grandes que les dents vomériennes et 48 à 53 écailles sur la ligne latérale (64 à 69 pour Labrisomus nuchipinnis), de quoi, à nouveau, semer le doute.

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Article publié le 29/07/2009 par les Auteurs AquaPortail (mis à jour le 22/04/2020).