Le phytoplancton marin au coeur du système de régulation climatique
Le phytoplancton régule le climat à partir des océans:Des chercheurs de la station biologique de Roscoff ont révélé que les micro-algues du groupe des haptophytes, comptent parmi les gros producteurs de matière organique océanique et soulignent le rôle du phytoplancton dans l'évolution du climat.
Une diversité insoupçonnée de planctons marins serait à la base de la photosynthèse océanique, ont révélé les chercheurs des laboratoires de biologie marine de Roscoff et d'océanographie de Villefranche-sur-mer (UPMC/CNRS), dans une étude* publiée le 21 juillet 2009 dans la revue ''Proceedings of the National Academy of Sciences (PNAS)''.
Le plancton marin (phytoplancton et zooplancton) a été étudié par l'expédition Tara Océans
Rappelons que les océans de la planète sont à l'origine de plus de la moitié de la production mondiale de matière organique (basée sur le carbone) grâce à l'activité de photosynthèse du phytoplancton marin. Ces micro-organismes en suspension dans l'eau de mer interviennent dans le cycle du carbone en produisant de la matière, grâce au CO2 et à la lumière du soleil.
Grâce à des protocoles génétiques originaux, l'équipe de chercheurs, en collaboration avec les universités de Rutgers (Etats-Unis) et d'Ottawa (Canada), ont identifié une multitude de micro-organismes portant ce pigment photosynthétique - une molécule colorée capable d'absorber les radiations lumineuses - et en particuliers des protistes du groupe des haptophytes, des micro-algues dont la taille varie entre 2 et 8 microns (µm) et qui se développent jusqu'à 400 mètres de profondeur.
D'après les calculs des chercheurs, dans quelques litres d'eau de mer tropicale il y aurait plus de 1.000 espèces génétiques différentes des haptophytes. Ils formeraient ainsi l'une des composantes majeures du plancton marin. La biomasse de ces organismes serait jusqu'à deux fois plus importante que celle des cyanobactéries ou des diatomées, deux groupes de phytoplancton considérés classiquement comme les champions de la photosynthèse dans les océans.
En plus de se nourrir de lumière via la photosynthèse, les haptophytes ''mangent''des proies bactériennes, de la matière organique ou des pico-protistes (protistes d'une taille de l'ordre de 1 à 2 microns) et complémenteraient ainsi leur régime alimentaire tout en se diversifiant, explique Colomban de Vargas, de la station biologique de Roscoff chargée de l'étude des protistes marins.
Cette étude met en évidence le rôle de la biodiversité du plancton océanique dans la régulation du climat. Si le plancton constitue 98 % de la biomasse de la mer, il absorbe plus de la moitié du CO2 et produit 50 % de l'oxygène. Identifier la richesse et le fonctionnement de la biodiversité du plancton océanique est indispensable à la compréhension des régulations climatiques par le vivant, souligne Colomban de Vargas.
Les études sur les protistes marins font l'objet de nouveaux programmes de recherche coordonnés par les chercheurs CNRS de Roscoff, tels que BioMarKs (Biodiversity of Marine euKaryotes) sur les côtés européennes, ou Tara-Oceans, l'expédition scientifique autour du globe à bord du voilier Tara qui larguera les amarres le 4 septembre à Lorient.
Après avoir dérivé en Arctique de septembre 2006 à janvier 2008, la goélette Tara va reprendre la mer, pendant trois ans, pour étudier les planctons présents dans toutes les eaux du globe, afin de mieux comprendre l'écosystème marin et l'impact du changement climatique, de l'acidification des océans sur cette vie sous marine.
98 % de la biomasse des océans est constituée de micro-organismes. On n'en connaît pas 10 %, souligne Romain Troublé, le directeur des opérations de l'expédition. Le fonctionnement des organismes, des écosystèmes et leurs services à la nature sont encore très peu connus par les scientifiques. L'expédition Tara Océans devrait aboutir à la constitution d'une bio-bank des planctons de l'ensemble des océans parcourus.
L'objectif est de traverser le maximum d'océans et d'accumuler des échantillons pour pouvoir les comparer et comprendre au bout du voyage le fonctionnement des écosystèmes et pouvoir anticiper ce qui se passera plus tard, explique Romain Troublé. De la Méditerranée à l'océan Arctique, en passant par la Mer Rouge, le golfe persique, l'océan Indien, l'Atlantique et le Pacifique, ce sont près de 150 000 km de mer qui vont être parcourus et scrutés de près sur 3 ans. virus, méduses, larves de poissons, coraux… pourront être étudiés dans leur ensemble et surtout dans leurs interactions. Les données recueillies par l'expédition Tara Océans affineront la connaissance des organismes marins et des écosystèmes et devraient notamment permettre de construire une carte fonctionnelle des écosystèmes marins sous forme de modèles et de visualisations interactives.