La pieuvre couverture Tremoctopus violaceus (blanket octopus) redécouverte

La rare pieuvre couverture violacée, espèce Tremoctopus violaceus, a été repérée par la biologiste marine Jacinta Shackleton au large de l'île Lady Elliot récemment. Connue pour habiter l'océan ouvert, la pieuvre a été aperçue nageant dans les eaux peu profondes au large de la petite île corallienne située à l'extrême sud de la grande barrière de corail, en Australie. Une rencontre exceptionnelle. La biologiste a eu l'occasion de capturer des photos étonnantes d'un spécimen femelle avec sa cape orange vif qui contraste fortement avec le bleu de l'océan.

La pieuvre violacée Tremoctopus violaceus (blanket octopus) qui a un large manteau en forme de couverture est très rare. Seule la femelle est dotée de cette couverture.

L'espèce Tremoctopus violaceus est une pieuvre pélagique rarement rencontrée qui passe tout son cycle de vie en pleine mer. Jacinta Shackleton a déclaré avoir repéré la pieuvre femelle brillante jeudi 13 janvier 2022 alors qu'elle faisait de la plongée. Elle a précisé que les couleurs de sa cape étaient incroyables et c'était fascinant de voir comment elle se déplaçait dans l'eau. La simple vue de la pieuvre couverture est sûrement une rencontre unique dans une vie ! Juste la simple présence de la pieuvre près des récifs coralliens est exceptionnelle, car la femelle de cette espèce passe la majeure partie de sa vie à flotter en pleine mer.

Manteau couverture de la femelle T. violaceus :

La pieuvre Tremoctopus violaceus est appelée blanket octopus en anglais, littéralement pieuvre couverture, en raison de son manteau corporel.

Le manteau-couverture de la pieuvre qui ressemble à une cape n'est présent que chez les femelles T. violaceus. Cette cape fait paraître le céphalopode plus grand et plus intimidant pour les prédateurs potentiels. Ces capes sont détachables en cas d'urgence, un phénomène appelé autotomie.

Une femelle T. violaceus :

La photo de cette femelle Tremoctopus violaceus a été prise en janvier 2022 par la biologiste Jacinta Shackleton au bord de l'île Lady Elliot.

La cape dissimule les tentacules de la femelle, qui sont également facilement détachables. En fait, lorsqu'un mâle trouve enfin une femelle en pleine mer, il remplira l'un de ses tentacules de sperme (organe spécifique aux céphalopodes appelé hectocotyle), l'arrachera, le lui présentera, puis s'éloignera pour mourir. La femelle acceptera ce tentacule désincarné, le stockera dans une cavité spécialisée de son corps et, lorsque ses oeufs seront prêts, pressera son contenu sur eux.

Les tentacules détachés ne sont pas seulement la clé du succès reproducteur de la pieuvre couverture, ils sont également la clé de sa survie. Seulement, ce ne sont pas leurs propres tentacules qu'ils agitent dans une bataille, ce sont ceux de la physalie Physalia physalis (couramment appelée la "galère portugaise"). La pieuvre arrachent les tentacules venimeux de la physalie et les utilisent comme de petits poulpes nunchakus ! Cela rappelle l'utilisation que le crabe-boxeur fait de petites anémones de mer.

✅ Un point très remarquable à propos de la pieuvre couverture est son dimorphisme sexuel entre mâle et femelle, l'un des cas les plus extrêmes de dimorphisme sexuel de taille connus. Les femelles, atteignant jusqu'à 2 mètres de long et peser 10 kg, deviennent 40 000 fois plus lourdes et 100 fois plus grosses que les mâles qui ne mesurent que... 2,4 cm ! ✅ La pieuvre couverture violacée Tremoctopus violaceus a la plus grande différence de taille entre les sexes dans le règne animal.

Un mâle nain Tremoctopus violaceus :

Le mâle de la pieuvre Tremoctopus violaceus est resté inconnu pendant plus de 170 ans des scientifiques. Avec une longueur d'environ 2 cm et un mode de vie cryptique, le mâle de la pieuvre violacée est passé inaperçu longtemps. Les deux sexes, mâle et femelle, n'ont presque aucun rapport l'un envers l'autre.

En comparaison avec un humain, la femelle fait la taille d'une personne et le mâle a la taille d'une noix. D'ailleurs, le mâle est si petit que la toute première observation d'une pieuvre mâle vivante (toute petite) a été signalée dans la Grande Barrière de Corail seulement en 2003. Et un seul autre spécimen était auparavant, en 2002. Pourtant, la grande femelle est, elle, connue et décrite depuis 1830. Il aura fallu presque 200 ans pour connaître le minuscule mâle.

Toutefois, cette différence de taille entre femelle géante et mâle nain n'est pas un cas unique puisque la baudroie mâle de 1,5 cm est parasite de l'anus d'une femelle de plus de 20 cm.

Mâle minuscule et femelle de baudroie :

La différence de taille entre femelle et mâle d'une baudroie Caulophryne jordani est spectaculaire. Le mâle, tout petit, est capable de parasiter l'anus de la femelle, géante en comparaison.

Ces "anomalies" existent encore sous d'autres formes. Ainsi, le poisson-perle Encheliophis homei vit dans l'anus d'un concombre de mer, une des relations les plus bizarres de la nature.

Beaucoup d'images de la pieuvre couverture proviennent d'individus en captivité, la biologiste a ainsi été extrêmement chanceuse d'en avoir vu une de jour, sur le récif et dans la nature et d'avoir eu une caméra et un appareil photo avec elle. En milieu naturel, les pieuvres couvertures se trouvent partout dans le monde, y compris au large des côtes nord, est et sud-ouest de l'Australie.

Au milieu des nouvelles apparemment constantes selon lesquelles de plus en plus d'espèces disparaissent, avec une biodiversité en berne, il est toujours excitant lorsque les experts découvrent de nouvelles espèces ou redécouvrent un animal d'une espèce qui n'a pas été repérée depuis des décennies (voire des siècles). Cela peut aussi être un frisson quand quelqu'un aperçoit un animal d'une espèce incroyablement rare que les humains n'ont vu que quelques fois dans le passé.