Un poisson ballon opéré chez un dentiste

L'Arothron, un poisson ballon, est opéré des dents par un dentiste à Nancy. La semaine dernière, Le diagnostic est empirique, mais les signes ne trompent pas : le poisson ballon a un problème de dents. "Elles ont trop poussé", lâche Laurent Fordoxcel, responsable des Aquariums de Nancy.

Les dents trop longues le gêne aujourd'hui pour se nourrir. L'Arothron mappa, l'une des stars du Muséum-aquarium de Nancy, est donc en danger.

Un poisson ballon opéré des dents.

En milieu naturel, ce poisson Arothron mappa, baptisé "ballon" pour sa capacité à se gonfler en réflexe d'autodéfense, s'use les dents naturellement. Soit sur les rochers dont il arrache les algues, soit sur la dure carapace des crabes dont il est gourmand. À la façon de certains lapins. Et il le fait aussi sans problème en aquarium.

Sauf que depuis quelque temps, pour une raison qu'on ignore, il a renoncé. Et les deux énormes dents du haut, poursuivant leur croissance, ont fini par chevaucher la tout aussi impressionnante paire du bas, fermant presque hermétiquement la gueule de l'animal. Il faut intervenir. Et c'est dans le carnet d'adresses de Laurent Fordoxcel que se trouve la solution.

L'un de ses amis, par ailleurs membre du cercle aquariophile de Nancy, se trouve être... un dentiste. Un dentiste que ne rebute pas un aussi original défi. Et c'est ainsi que notre ballon à branchies s'est vu inscrire un rendez-vous, le 27 juin à 11 h 45, au cabinet de Denis (nous tairons le nom du dentiste par souci d'éviter la pub rigoureusement interdite par le conseil de l'ordre).

"C'est sûr, c'est une grande première pour nous tous", commente le spécialiste alors que son patient marin est plongé dans un bain anesthésiant. "Comment procéder ? Je ne sais pas trop. Je me suis adressé à un vétérinaire, mais dans la mesure où le système dentaire varie complètement d'une espèce à l'autre, il m'a juste recommandé d'y aller très doucement". Ça coulait de source.

Le dentiste est un trop fervent admirateur du genre pour risquer de léser l'animal. Dans son cabinet s'ébattent d'ailleurs un superbe Zebrazoma jaune et une kyrielle de petites demoiselles d'un bleu luminescent à l'abri d'un aquarium. De quoi apaiser les patients autant que le praticien.

L'Arothron, lui, indifférent au décor, dort d'un sommeil profond. "Du coup son biorythme est ralenti, ça nous permet de le sortir de l'eau le temps d'opérer" et il faudra faire vite néanmoins, l'action du produit est très temporaire. Emballé dans un torchon, maintenu par L.F., l'affamé est présenté tout gonflé et dents en avant. Deux baguettes chinoises, manipulées par Antoine, son assistant, maintiennent la gueule ouverte... La fraise peut entrer en action.

En haut, en bas, avec mille précautions. On meule un peu aussi sur les crêtes du côté. Quelques minutes à peine sont passées et le cas est déjà réglé. L'ensemble du cabinet va pouvoir être stérilisé.

"Il est bien plus calme que certains de mes patients", constate le dentiste. Comme un fait exprès, le patient poisson commence à s'agiter. Il est temps qu'il retrouve l'eau ainsi que son aquarium de prédilection. Pour le règlement, désolé, l'arothron a oublié sa carte vitale à la maison...